Pourquoi est-ce qu'un seul mensonge nous suffirait pour juger qu'une personne est menteuse, alors qu'une seule vérité ne nous suffirait pas pour la juger honnête ? Serions nous psychologiquement portés vers le reproche et la critique facile ? La philosophie expérimentale s'est longtemps posée la question, et c'est maintenant la psychologie et la neurophysiologie qui nous éclairent sur le sujet !
Il était une fois… en entreprise !
Des chercheurs ont voulu savoir par quels mécanismes nous interprétons les intentions d'autrui. Ils ont pour cela raconté deux histoires à des personnes et leur ont demandé leur avis (2) :
- Un PDG savait que son projet allait nuire à l'environnement, mais il ne s'est pas du tout soucié des effets sur l'environnement. Il a réalisé son projet uniquement pour augmenter ses profits : Le PDG a t-il intentionnellement nuit à l'environnement ?
Si vous pensez « oui », alors vous êtes d'accords avec 82% des personnes étudiées.
Seulement les chercheurs sont allez plus loin, et ont inversé « nuire à l'environnement », avec « aider l'environnement » :
- Un PDG savait que son projet allait aider l'environnement, mais il ne s'est pas du tout soucié des effets sur l'environnement. Il a réalisé son projet uniquement pour augmenter ses profits : Le PDG a t-il intentionnellement aidé l'environnement ?
Ici, seuls 23% des personnes ont jugé que l'action sur l'environnement du PDG était intentionnelle.
Le PDG est donc jugé responsable uniquement lorsque ce qu'il fait est négatif, bizarre non ?
Oui mais comment ça se passe ?
Des chercheurs de l'université de Duke ont utilisé l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) afin d'observer les zones cérébrales à l'emploi lorsqu'une personne est confrontée aux actions d'autrui (3). Résultats : lorsque l'on juge que les actions d'un individu sont mauvaises, alors notre amygdale (la zone du cerveau qui contrôle les émotions) s'active, et s'active d'autant plus que l'action mauvaise nous affecte émotionnellement.
Au contraire, la même amygdale est beaucoup moins active lorsque l'on observe des actions positives, car celles-ci ne nous affectent pas autant que l'injustice ou la violence.
Or, une activation importante de nos émotions négatives aurait pour effet d'augmenter notre volonté de juger l'auteur de l'acte, et c'est ce jugement moral qui nous fait penser que l'auteur mérite nos reproches. Supposez deux actions négatives : le meurtre d'une enfant, et la dégradation d'un radar automatique, dans quelle situation serait-il plus facile de vous convaincre que l'auteur n'est qu'une personne déséquilibrée et irresponsable ? Plus une action est mauvaise plus nous avons besoin d'un responsable, car l'action nous affecte bien trop pour la laisser passer.
A l'inverse, lorsque l'on observe une action positive, notre amygdale étant moins sollicité émotionnellement, ceci laisse de la place pour la rationalité qui nous pousse à relativiser l'action, plutôt qu'à la juger. C'est ce qui arrive pour l'histoire du PDG qui agit positivement sur l'environnement, et où 77% des personnes ont relativisé son action en pensant qu'après tout, tout ce qu'il voulait c'était faire du profit, qu'il en faut plus pour être écolo, etc.
Amygdale oblige, il en faudrait donc peu pour mériter des reproches, et beaucoup pour mériter des félicitations !
Confrontés à des bonnes et mauvaises actions, nous sommes plus enclins à juger les actions comme intentionnelles lorsqu'elles sont mauvaises.
L'amygdale, zone du cerveau qui contrôle les émotions, augmenterait notre tendance au jugement et baisserait notre tendance à relativiser les comportements.