De quoi on parle ?

Pourquoi Agathe (sur la photo) semble plus marquée par sa glace qui est tombée, plutôt que par le beau soleil du jour ? Et pourquoi est-ce qu'un seul cafard dans un panier rempli de belles cerises suffit pour nous repousser, alors qu'une belle cerise dans un panier rempli de cafard ne suffit pas à nous attirer ? Les expériences et souvenirs négatifs nous marquent plus fortement, et plus longtemps que les bonnes nouvelles, ce qui à première vue peut paraître paradoxal si nous partons du principe que nous recherchons tous le bonheur ! Alors, pourquoi notre cerveau est-il si attaché aux informations négatives ?

Il était une fois … sur Terre !

Il s'agit ici d'une donnée mondiale : l'humanité serait de plus en plus pacifique ! Steven Pinker, psychologue à Harvard, a recensé une impressionnante quantité de données statistiques et historiques concernant les génocides, crimes, maltraitances animale, violences contre femmes et enfants, etc ; et les statistiques montrent que toutes ces infamies sont nettement moins fréquentes aujourd'hui que par le passé. L'homme n'aurait pas changé biologiquement, mais l'évolution des institutions sociales, politiques et juridiques aurait provoqué la baisse de nos comportements agressifs. L'homme a fini par comprendre qu'il devient moins coûteux d'acheter un objet que de le voler, et qu'un pays voisin est bien plus précieux en étant prospère que détruit. Seulement voilà, si nous sommes plus pacifiques, nous continuons à entendre sans cesse que : « c'était mieux avant » ! Alors pourquoi un pacifisme grandissant n'augmente pas pour autant notre sentiment de sécurité ?

Oui mais comment ça se passe ?

Une première explication tient au fait que, presque mécaniquement : plus nous sommes pacifiques, moins nous supportons les injustices. Or moins nous les supportons, plus elles ont un effet sur notre psychologie quand elles arrivent, et donc sur notre sentiment d'insécurité. Pensez à toutes les injustices qui de nos jours suscitent notre colère, alors que considérées comme normales il y a quelques décennies : inégalités hommes/femmes, homophobie, racisme, maltraitance animale, etc. Notre aversion exponentielle envers les injustices ferait qu'on en verrait plus, ce qui d'une part ne veut pas dire qu'il y en a effectivement plus, et ce qui d'autre part augmente notre sentiment que tout va mal.

Une seconde explication pour tenter de comprendre pourquoi nous accordons une si grande importance aux mauvaises expériences vient du fait que notre aptitude à ressentir du plaisir a tendance à diminuer quand l'expérience positive se répète : on parle d'habituation, ou de désensibilisation. Concrètement, si une glace peut générer un intense sentiment de bonheur chez Agathe qui est en plein régime, il est fort peu probable que cette même glace continue à générer autant de plaisir si Agathe en mange quotidiennement. Si la souffrance peut-être longue et persistante, le plaisir semble lui particulièrement plus bref et volatil, rendant les mauvais souvenirs bien plus persistants dans notre mémoire.

Une troisième explication tient au fait que durant les périodes de notre histoire évolutive où nos mécanismes cérébraux ont été sélectionnés, se souvenir des expériences négatives et être alerte au moindre danger constituaient un avantage bien plus grand que le fait d'être de sympathiques optimistes. Des dangers tels qu'un prédateur, un ennemi ou une maladie pouvaient anéantir toute chance de survie assez rapidement, quand des expériences positives telles que trouver de la nourriture ou avoir une relation sexuelle (ou trouver de la nourriture tout en ayant une relation sexuelle) pouvaient être, on l'imagine, aisément reportés à plus tard sans trop de soucis. En conséquence, entre les informations : « cet homme est dangereux », et « cet homme est sympathique », l'une des deux informations a toujours été plus importante à retenir et à privilégier que l'autre, et vous devinez laquelle.

Seulement voilà, il ne vous aura pas échappé que les lions ne courent plus les rues, et si nous vivons dans des conditions de sécurité bien plus importantes que nos ancêtres, il pourrait être fort utile d’œuvrer, en toute conscience, à tout simplement « penser positif », lorsque les conditions de la réalité nous le permettent raisonnablement !

Le biais de négativité désigne une tendance psychologique à accorder plus d'importance aux expériences négatives qu'aux positives.
Ce biais entraîne une attention et une mémoire sélective des événements, dont l'objectif est de nous protéger contre d'éventuels dangers.