La théorie de l'engagement décrit les conséquences d'un acte sur les comportements et attitudes d'un individu. Concrètement, si vous souhaitez influencer les comportements d'une personne, l'idée d'utiliser l'autorité ou la persuasion pourrait vous venir à l'esprit. Seulement si l'autorité est efficace pour changer un comportement, il suffit que le radar soit passé pour que la vitesse ré-augmente aussi tôt. Et la persuasion est certes efficace pour changer ce qu'on pense, mais les comportements ne suivent pas toujours, vu qu'il est difficile de changer nos habitudes. Ce que la théorie de l'engagement nous enseigne, c'est qu'il existe des stratégies bien plus efficaces que l'autorité ou la persuasion.

Il était une fois … durant la seconde guerre mondiale.

Durant cette période peu glorieuse, les américains devaient, pour des raisons économiques, changer d'habitudes alimentaires et passer des viandes coûteuses aux abats. Kurt Lewin, psychologue social, a été engagé par le gouvernement pour convaincre les américains, et il a d'abord utilisé la persuasion :

Il a organisé une conférence durant laquelle un orateur exposait toutes les raisons imaginables pour consommer des abats. Résultat : 3% des auditrices en ont ensuite cuisiné : aïe.

Et pourtant, les évaluations indiquaient qu'elles était convaincues par la conférence, c'est le passage de la conviction à l'action qui ne s'est pas fait, la persuasion a ses limites...

Lewin a remercié l'orateur, et l'a remplacé par un animateur. Il a utilisé les mêmes arguments, mais a en plus demandé aux auditrices d'affirmer publiquement, en levant la main, qu'elles cuisineraient des abats. Ce petit acte d'engagement en a poussé 32% à cuisiner des abats, soit 10 fois plus qu'en utilisant uniquement la persuasion. Lewin appellera cet effet : l'effet de gel.

Oui mais comment ça se passe ?

Ce qui est « gelé », pour Lewin, c'est la décision : il est une chose de penser qu'il est bon de manger des abats, mais c'est une toute autre chose de décider d'en manger. Or ce serait la décision, et non la simple pensée, qui provoquerait le comportement.

Concrètement, l'engagement peut alors être favorisé et consolidé en appuyant sur différents leviers :

  • Lorsqu'un acte est public : une décision prise face à un public engage plus qu'une décision prise seul devant le miroir de sa salle de bain.
  • Lorsqu'un acte est non modifiable : Il est plus facile de renoncer à une chose avant de dire « oui », qu'après l'avoir dis.
  • Lorsqu'un acte est répété : Un acte répété est plus engageant qu'un acte réalisé qu'une fois, c'est le principe de l'habitude.
  • Lorsqu'un acte est coûteux : Plus un acte nous coûte, plus il nous engage. Tout joueur de poker saura qu'il est plus difficile d'abandonner ses cartes après avoir misé, et tout le monde sait qu'il est plus facile de renoncer de dîner avant de préparer à dîner.
  • Lorsqu'un acte est libre : Un acte réalisé en pleine liberté nous engage bien plus qu'un acte réalisé sous la contrainte, qui lui est susceptible de disparaître dés que la contrainte disparaît.

C'est à partir de ces observations que des techniques d'influences ont vu le jour, comme la célèbre technique du « pied-dans-la-porte » :

Dans une expérience, il était proposé à des américaines que des enquêteurs entrent à leur domicile pour répertorier tous les produits domestiques, opération qui devait durer deux heures.

Pour un premier groupe, à qui il était directement proposé l'enquête de deux heures au domicile, seulement 22% des femmes acceptaient.

Pour un second groupe, un acte préparatoire précédait la proposition (l'acte qui devait générer l'engagement) : quelques jours avant, un enquêteur faisait passer aux personnes un questionnaire sur leurs habitudes de consommation, et 3 jours après, le même enquêteur proposait l'intervention de deux heures à domicile : 52% (!) des femmes ont accepté.

Conclusion : faites attention aux sites internet ou aux commerciaux qui vous révèlent des prix additionnels après avoir rempli un long formulaire d'inscription, car c'est ce long formulaire qui est utilisé comme facteur d'engagement : le fait de se dire : « Je n'ai pas passé 10min à remplir tout ça pour rien ! » augmente les probabilités d'accepter des coûts que l'on aurait pas accepté 10min avant.

La théorie de l'engagement décrit les conséquences que peuvent avoir un acte sur les comportements et les attitudes d'un individu.
Elle se veut plus efficace que l'autorité pour changer les mentalités, et plus efficace que la persuasion pour changer les comportements.