Nos conseils pour une éducation non sexiste !

Le Haut Conseil à l'égalité (HCE) définit le sexisme comme une « idéologie qui repose sur le postulat de l'infériorité des femmes par rapport aux hommes ». C'est au nom de cette idéologie peu lumineuse qu'à travers les siècles, des théories, concepts, lois et mouvements politiques ont vu le jour pour discriminer les femmes et donner un avantage peu glorieux aux hommes.

Mais si le sexisme est une idéologie, combien de sexistes seraient capables d'exposer les fondements de l'idéologie sexiste ? Le sont-ils au nom d'une adhésion « intellectuelle » (les guillemets sont importantes) ou le sont-ils sans réfléchir, par automatisme : par éducation ? Alors qu'une étude révèle que dès 4 ans, les enfants envisagent déjà le pouvoir plus au masculin qu'au féminin, voici un petit aperçu sur les chiffres clés du sexisme, qui reflètent son enracinement persistant dans nos sociétés, et quelques conseils pour éduquer nos enfants vers l'égalité et la raison.

Le sexisme dans la vie de tous les jours

Dans un précédent article, nous vous présentions toutes les discriminations invisibles, toutes les formes de sexisme qui se sont introduites dans nos sociétés à l'insu de notre vigilance (et en profitant de l'absence de vigilance), et qui pénalisent les femmes sans même qu'elles le sachent : climatisation dans les immeubles d'entreprise, sécurité routière, toilettes dans les cinémas …, rares sont les domaines immunisés contre ces inégalités.

Mais il existe aussi un sexisme visible et objectif, quantifiable, allant de la discrimination bête et méchante à la discrimination pénalisante et révoltante :

  • Les hommes gagnent en France 19,2% de plus que les femmes : révoltant
  • Seulement 2% des rues françaises portent des noms de femmes : bête
  • 20% seulement (!) de femmes parmi les experts invités dans les médias : révoltant
  • Entre 1870 et 2004 à Paris, 24 statues de femmes érigées, 325 statues d'hommes : bête
  • 40% de femmes ont renoncé à fréquenter des lieux publics suite à des vécus de sexisme : révoltant

Conseils pour une éducation non sexiste

Afin de réduire les inégalités, qu'elles soient bêtes et/ou révoltantes, il est important d'éduquer les enfants, en particulier les garçons, dès leur plus jeune âge afin qu'aucune habitude comportementale ou cognitive ne s'installe à leur insu.

En 2018, Fondation des femmes a lancé un clip vidéo : « tu seras un homme mon fils », mettant en scène des hommes et leur fils dans leur vie de tous les jours avec des messages en opposition avec les clichés sexistes.

Le problème est bien que beaucoup de parents n'éduquent pas de la même manière leurs enfants suivant qu'ils soient garçons ou filles, voici donc quelques astuces pour inverser et équilibrer la tendance :

Changer sa propre perception

Avant de pouvoir éduquer nos enfants pour qu'ils soient les bâtisseurs d'un monde juste, nous devons nous même prendre conscience de certaines injustices dont nous sommes victimes, et donc susceptibles de reproduire malgré nous. Prenons conscience d'au moins deux fondamentaux :

  • Les rôles de fille ou garçon, femme ou homme, maman ou papa, ne sont que des constructions sociales et nous devons les interroger précisément parce qu’en étant sociales, elles sont nos créations. Ce qui est construit peut être interrogé et déconstruit, ce qui est construit n'est pas par définition « juste ». Ajoutons, pour répondre à une objection répandue, que même si les rôles de fille ou garçon n'étaient pas sociaux mais « naturels » (c'est inexact, mais imaginons) : cela ne changerait rien à la nécessité de les questionner, car la nature nous enseigne ce qui est, mais pas ce qui doit être. Supposons que nous soyons naturellement portés vers l'infidélité, devrait-on en déduire qu'être infidèle est « juste » uniquement parce que c'est naturel ?
  • La dignité de l'être humain passe par sa liberté : la liberté d'une personne d'incarner son genre comme elle l'entend, et ce quelque soit l'avis de la nature, de la société, de la religion ou de quiconque. L'être humain doit rester libre de se construire, plutôt que contraint à être construit.

Ce n'est que suite à une prise de conscience que l'on peut passer à l'action.

Non, être un homme ne veut pas dire être fort

Un sondage a montré que les hommes de moins de 35 ans sont les plus nombreux à penser qu'être un homme, c'est « être le meilleur » (58%). Il n'y a pas tant de problème à l'idée de vouloir être le meilleur, mais les choses se compliquent si vous considérez que c'est un objectif masculin. La conséquences de tels préjugés est d'inculquer aux garçons les principes de concurrence, d'ambition, de performance et de compétition, et aux filles au contraire la retenue, la douceur, le retrait et la discrétion. Cette différence de traitement peut avoir des effets négatifs sur le comportement et la psychologie des enfants, garçons comme filles.

En plus de s'identifier aux idéaux transmis par leurs parents, les enfants souhaiteront plaire à leur parents en reproduisant les schémas transmis. Cette inégalité de traitement pousserait alors les uns à vouloir se surpasser et choisir des disciplines compétitives, au contraire des unes qui, non soutenues et encouragées, resteraient en retrait et n'oseraient pas affirmer et développer leur potentiel.

L'impact psychologique négatif concerne aussi les garçons qui pourraient se forcer à ne pas pleurer de peur d'être humiliés ou moqués, les forçant à censurer et réprimer l'expression de leurs émotions et sentiments, expression pourtant fondamentale psychologiquement.

L'égalité des tâches

Ce que les enfants voient à la maison est une source à partir de laquelle ils établissent leurs représentations mentales de ce qui est « normal », de ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Vous pourriez donc avoir les meilleurs discours égalitaires le dimanche, mais si la règle inflexible à la maison est que seule maman débarrasse la table, fait la vaisselle et le ménage, ceci risque de devenir une représentation dans l'esprit de vos enfants malgré vos beaux discours.

N'hésitez pas à « transgresser » les clichés, inversez les tâches de sorte que papa s'occupe des couches et de la vaisselle, et maman de l'étagère à monter ou des courses à porter. Il est important d'être proactif pour faire comprendre aux enfants qu'il n'y a absolument rien qui soit féminin dans du liquide vaisselle, même si beaucoup d'adultes en semblent encore convaincus au 21ème siècle.

Les garçons doivent s'occuper d'eux-même

Ce cliché est tenace, car il est facile d'avoir la représentation que les filles seraient « naturellement » portées vers la délicatesse, l'esthétique et le soin au corps, alors que les garçons se contenteraient d'un t-shirt, et si possible toujours le même pour aller plus vite. Ces différences sont sociales et non naturelles, et peuvent installer des différences comportementales sur le long terme, avec des filles qui s'occupent elles mêmes de leurs corps, habits, chambre et affaires, pendant que les garçons seraient au contraire passifs : ou plutôt assistés. Il est donc important d'apprendre aux garçons à s'occuper d'eux-même, à s'habiller eux même et à ranger leur chambre.

Attention aux compliments !

Non bien sûr que les compliments sont positifs, mais là on parle des compliments genrés, des compliments qui attribuent une place aux enfants en limitant leur liberté, bref des compliments négatifs. Si on complimente nos garçons que quand il sont forts et rapides, et nos filles que quand elles sont belles et qu'elles ont une jolie robe, et pire si on dit aux garçons d'arrêter de pleurer comme une fille, alors ont leur indique la voie à suivre pour obtenir la satisfaction parentale, et plus tard sociale : une voie limitée et bornée. Ici encore soyons juste : si pour une raison ou pour une autre, pour vous la performance sportive est une valeur de vie, que celle-ci s'applique aussi bien à votre fils qu'à votre fille.

Discutez avec vos enfants

Aussi rationnel et juste que vous êtes, vous n'avez hélas pas encore changé le monde, qui est encore beaucoup trop imprégné de sexismes en tout genre. Vos enfants grandissant dans ce monde il est important que vous les aidiez à prendre conscience des discriminations qu'il cache. Questionnez-les et éveillez leur conscience sur certains sujets : le consentement, la place des filles à l'école, à la maison, dans les médias et les films, etc. Il est important, notamment sur le sujet de l'égalité homme femme, que nos enfants construisent la société de demain avec de nouveaux paradigmes, plutôt qu'avec les paradigmes de la société d'aujourd'hui (ou pire : d'hier).

Féminisez l'environnement

Non, ceci n'est pas extrême, en tout cas pas plus extrême qu'un environnement masculinisé et qu'on ne juge pourtant pas extrême. On parle ici d'une multitude de représentations sociales cachées dans les films, dessins animés, histoires et autres schémas imaginaires proposés aux enfants, dans lesquels ce sont les héros masculins qui changent le monde, pendant que les héroïnes féminines ont des missions beaucoup plus modestes. Féminiser l'environnement ne veut pas dire passer d'un sexisme à l'autre, mais veut dire équilibrer les choses.

N'hésitons donc pas à aller à contre courant de ces automatismes : racontons à nos garçons des histoires où ce n'est pas un lion mais une lionne qui défend ses lionceaux (surtout que c'est en général comme ça que cela se passe dans la savane), n'attribuons pas aux garçons des idéaux uniquement masculins et aux filles des idéaux uniquement féminins, laissons-les grandir sans stéréotypes limitants.

L'éducation non sexiste est une éducation humaniste, une éducation qui permet à votre enfant, fille ou garçon, d'exprimer son potentiel et ses qualités en toute liberté, de grandir et s'épanouir sans être limités par des stéréotypes injustes en plus d'être irrationnels. Eduquer ses enfants contre le sexisme c'est respecter leur dignité d'être humain, et respecter la dignité des personnes avec qui ils seront en interactions durant leur vie. Le sexisme n'est pas une opinion, c'est une chose à déconstruire.

 

Peace.