De quoi on parle ?

Il est devenu habituel de voir une majorité des personnes autour de nous les yeux rivés non pas sur le monde qui les entoure, mais sur le monde contenu dans leur smartphone. Cette expérience qui interpelle sans doute nos grands parents, devrait aussi nous questionner : Alors que le premier Iphone a été lancé en 2007 par Apple, comment expliquer qu'en une dizaine d'années seulement, nous soyons devenus si vite accro à ce nouvel objet technologique ? La faute à qui ? À une jeunesse qui ne cesse de se désintéresser des livres, de la nature et des «vraies» choses ? Pas tout à fait...

Il était une fois à Stanford : La naissance de la Captologie.

C'est que ces petits écrans cachent bien plus de secrets qu'on ne le pense. En 1998, un certain B.J. Fogg a crée à l'université de Stanford le « Stanford Persuasive Technology Lab », et confie que la question qui l'animait le plus était: « Comment pourriez-vous utiliser le pouvoir de l'informatique pour changer les croyances et les comportements des gens ? ». De cette question est naît une discipline: la Captologie, dont l'objectif est de concevoir des outils informatiques qui, pour mieux influencer nos croyances et comportements, commencent par capter notre attention pour la focaliser sur nos écrans et les messages qu'ils transmettent.

Oui mais comment ça se passe ?

Vous avez vu comme il est difficile de se retenir d'ouvrir notre application favorite lorsqu'elle affiche une nouvelle notification ? C'est que l'outil informatique forme un cocktail cognitif explosif, de quoi mettre nos cerveaux en alerte constante.
Des chercheurs de l'université de Chicago ont publié une étude révélant que la simple présence du smartphone d'étudiants suffisait à baisser leurs résultats à des tests cognitifs et à occuper leurs capacités cognitives (on parle de « drainage du cerveau »). Une éventuelle vibration de nos téléphones peut en effet indiquer un message reçu, ou une nouvelle mention « Like » pour une de nos photos, or tous ces éléments sont des potentielles récompenses sociales qui stimulent directement nos aires cérébrales qui génèrent notre sensation de plaisir. Or, comme c'est bien en mangeant que vient l'appétit, plus nous sollicitons notre cerveau par ces petits plaisirs, plus il devient avide de ces informations, stimuli et autres interactions sociales si finement informatisées.
Chamath Palihapitiya, ancien cadre de Facebook, ne mâchait pas ses mots : « Les boucles de réaction à court terme, dopaminergiques, que nous avons créées sont en train de détruire la façon dont la société fonctionne».

Restons (toujours) optimistes !

D'abord, restons optimistes car consulter les réseaux sociaux matin midi soir ne suffit pas pour, cliniquement parlant, parler de véritable « addiction aux écrans ». Joël Billieux, professeur de psychologie à l'Univerité de Luxembourg, précise que : « Une conduite addictive engendre des conséquences négatives pour l’individu et son entourage. L’utilisation des réseaux sociaux doit uniquement être considérée comme un problème si elle est associée à une perte de contrôle et un impact concret dans la vie quotidienne (...) Nos modes de communication ont évolué. Ces outils sont devenus indispensables. Il faut veiller à ne pas “pathologiser” trop vite ces comportements  ». Il y a donc une différence entre « habitude » et « addiction », différence notamment liée à la tolérance au manque, à la perte de contrôle ou aux rechutes.

Ensuite, soyons optimiste car un nouveau mouvement se lance depuis quelques temps, celui d'une éthique du Web, qui cherche à imposer aux concepteurs de plateformes de concevoir des interfaces qui exploitent le moins possible les biais cognitifs du cerveau. Tristan Harris, ancien « philosophe produit » chez Google a ainsi crée un label : Time Well Spent pour encourager les utilisateurs à reprendre le contrôle sur les sites internets qu'ils consultent, et d'une manière générale pour générer une prise de conscience globale sur la nécessité pour l'être humain de toujours garder le pouvoir sur les technologies qu'il utilise. Récemment encore, c'est Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, qui a annoncé le développement d'une nouvelle fonctionnalité, « Your Time on Facebook », visant à faire prendre conscience du temps passé sur l'application, pour limiter les comportements à risque. Alors d'ici peu, on pourrait découvrir un label bio pour les sites internets !

Nos applis préférées sont conçues pour capter notre attention.
Cette captation se fonde sur des mécanismes cognitifs pour la plupart non conscients.
Ne parlons pas trop vite d'addiction, mais tâchons de toujours garder le contrôle sur nos habitudes.

Ce qu'on vous conseille :

  • Travaillez loin de vos téléphone : leur simple présence à proximité peut perturber votre attention de manière durable.
  • Réduire le nombre de perturbations : Si possible, changez les réglages de vos applis pour ne recevoir des notifications qu'en cas de messages venant de véritables personnes.